Portrait d’Alexander Robinson
Estampe, 18e siècle (4ème quart) / 19e siècle (1er quart)
Auteur : Charles-Balthazar FÉVRET DE SAINT-MÉMIN (Dijon, 1770 – Dijon, 1852). École Française
Eau-forte et roulette sur papier. Diamètre de la gravure : 5,6 cm. Inv. 2000-7-1-1
La nomination de Févret de Saint-Mémin à la tête du musée de Dijon, en 1817, présente d’intéressants paradoxes qui expliquent le choix de la municipalité. Descendant d’une ancienne famille parlementaire de Dijon, il n’a pas de passé récent à Dijon : émigré, il a gagné la Suisse en 1790, puis les États-Unis, et n’est rentré définitivement chez lui qu’en 1814. Peintre, dessinateur, graveur, inventeur de mécaniques ingénieuses, il a tiré, pendant son exil, ses moyens de subsistance d’un talent qui n’aurait été qu’un agrément pour le militaire qu’il était destiné à devenir : il est assez artiste pour recevoir la charge du musée, mais trop atypique pour interférer dans le monde artistique local centré sur l’école des beaux-arts. Cet ancien membre de la noblesse de robe devient responsable d’une institution qui abrite ce qui faisait le décor du monde dont il était issu et y retrouve même les œuvres d’art qui ornaient l’hôtel paternel : il ne revendiquera rien. A défaut de reconstituer l’héritage familial disparu, il assumera, sans nostalgie, celui de la Révolution, du moins dans ce versant positif qu’est le musée, instrument destiné à l’éducation du public.
Il a aussi beaucoup fait pour le sauvetage des vestiges de la chartreuse de Champmol encore en place, le portail de l’église et le puits de Moïse. On trouvera sous la plume de Févret de Saint-Mémin des phrases qui attestent son admiration réelle pour l’art gothique et son souci de convaincre « les curieux et les savants » de « la perfection à laquelle les arts étaient déjà portés un siècle avant leur renaissance », même si le classicisme ne perd en rien sa primauté. […] Il privilégie une démarche d’historien soucieux d’objectivité : il est « après la suppression du musée des Monuments français, l’un des premiers conservateurs à s’intéresser autrement qu’en poète à l’art du Moyen Age, avant même la création du Service des monuments historiques et de la Société française d’archéologie. Sa curiosité est largement ouverte, sa sensibilité s’appuie sur un raisonnement historique, lui-même fondé sur un travail d’érudition exigeant. […]
Févret de Saint-Mémin a été un membre éminent du monde de l’érudition locale. En 1825, il est reçu à l’académie des sciences, arts et belles-lettres de Dijon : c’est ici l’inventeur d’un pantographe amélioré qui est honoré. En 1827, il devient correspondant de l’Académie des beaux-arts. En 1831 enfin, il compte parmi les membres fondateurs de la Commission départementale des antiquités de la Côte d’Or. Ses notes, ses publications sont marquées d’une rigueur encore rare en son temps. Là encore s’illustre la diversité de ses centres d’intérêt, des sources de la Seine à Philippe Quantin, en passant par la coupe de saint Bernard ou les armoiries des ducs de Bourgogne.
Mais la mise en évidence de l’importance de la chartreuse de Champmol pour l’histoire et l’art de la Bourgogne et, surtout, le sauvetage de ses vestiges auront été au centre de ses préoccupations. Son « Rapport fait à la Commission des Antiquités de la Côte d’Or sur les restes des monuments de l’ancienne Chartreuse de Dijon » en 1832 est d’abord l’instrument d’un combat pour l’achat du domaine de Champmol, alors en vente, par le département, et pour la préservation du portail et du puits de Moïse. Le rachat eut effectivement lieu en 1833, et le domaine servit à l’installation de l’asile d’aliénés que la loi faisait désormais obligation aux départements d’établir. Si les monuments sont sauvés, Févret constate en 1842 : « Les constructions de l’hospice, quoiqu’elles laissent à leur place les restes de l’église de la chartreuse, en changent l’aspect. Ce que le tableau formé par ces ruines avait de pittoresque a disparu aujourd’hui ».
Il aura encore à combattre en 1841 l’idée de l’architecte Sagot de transférer le puits de Moïse au jardin botanique voisin. Là encore, il put contribuer à éviter l’irrémédiable et au contraire être associé à la restauration du puits en 1842, où il défendra d’une façon exemplaire pour le respect de l’originalité du monument.
Son œuvre est couronnée par la réédition en 1842 de son « Rapport fait à la Commission des Antiquités de la Côte d’Or sur les restes des monuments de l’ancienne Chartreuse de Dijon » complété par des notices sur les tombeaux, les retables, la « chaise », et surtout par la publication de documents tirés des comptes de construction de la chartreuse qui révélait pour la première fois les noms de Claus Sluter et des sculpteurs de son équipe, de Jacques de Baerze, de Melchior Broederlam, de Jean Malouel … (Notice de Sophie Jugie extraite de « L’Art des collections. Bicentenaire du Musée des Beaux-Arts de Dijon », Dijon : Musée des Beaux-Arts, (16 juin – 9 octobre 2000)
Févret de Saint-Mémin est l’une des grandes figures de l’histoire du musée, dont il fut conservateur de 1817 à 1852 : c’est l’artisan de la redécouverte de l’importance des créations artistiques réalisées pour les ducs de Bourgogne. Le musée lui doit en particulier l’aménagement de la salle des Gardes, autour des tombeaux des ducs de Bourgogne et des retables de la chartreuse de Champmol. Historien aux méthodes de recherches rigoureuses, il fut l’un des principaux animateurs des cercles érudits dijonnais de son temps.
Mais Févret de Saint-Mémin, descendant d’une importante famille de parlementaires bourguignons, était aussi un artiste. Avec sa famille, il avait émigré pendant la Révolution, en Suisse, puis aux États-Unis de 1792 à 1810 et de 1812 à 1814. Pendant son séjour, il trouva un moyen de subsistance en réalisant plus de 800 portraits gravés de notables américains en utilisant le « physionotrace », appareil qui permettait la réalisation de portraits de profils en médaillon.
Le travail de recension de ces portraits d’Américains réalisé par Ellen G. Miles permet d’identifier la gravure comme le portrait d’Alexander Robinson (1751-1845), important marchand de Baltimore et gendre de l’artiste Charles Wilson Peale. Ellen G. Miles reproduit sous le n° 702 de son ouvrage le dessin correspondant. La gravure elle-même n’était pas encore répertoriée. Il s’agit bien sûr d’un état intermédiaire du travail, puisque, si tous les détails sont en place, les noirs du fond et du costume n’ont pas encore été approfondis.
Le musée conserve déjà une série de portraits américains de Févret de Saint-Mémin.
Quant à l’objet que forme en lui-même le cadre où sont rassemblés gravure, lettre autographe et reproduction de son portrait, c’est un témoignage intéressant en tant que tel sur les pratiques des collectionneurs d’autographes. (D’après une notice de Sophie Jugie, 2000)
œuvres en lien :
2000-7-1 Cadre contenant une gravure, un autographe et une
2000-7-1-2 Autographe de Févret de Saint-Mémin
2000-7-1-3 Reproduction de l’autoportrait de Févret de
Historique : Collection Jane Larus
Don de la Société des Amis des Musées de Dijon, 2000
© photo François Jay