Nouvel accrochage des collections contemporaines
Visite "privilège" les 14 & 15 novembre 2024
par Agnès WERLY
Agnès Werly, conservatrice aux musées de Dijon et spécialiste des XXème et XXIème siècles, nous a dressé un panorama passionnant de l’art moderne et contemporain (l’année 1960 délimitant les deux périodes) à travers la nouvelle exposition d’œuvres récemment achetées ou déposées par d’autres institutions. Quatre salles au rez-de-chaussée, à côté de la billetterie, leur sont consacrées.
La première salle est consacrée à l’abstraction lyrique (ou gestuelle) européenne qui se différencie de l’abstraction géométrique (Mondrian par exemple). La création n’est pas ordonnée, géométrique mais repose sur une expression libre, émotionnelle. Elle se traduit souvent par des peintures « explosives » et très colorées (Merlin de Gerhard Richter par exemple). Les artistes recourent alors à des techniques, des outils très divers pour traduire leurs énergies. Deux œuvres sont ainsi mises en parallèle, réalisations de deux peintres d’origine hongroise venus à la même époque à Paris, Explosion de Judit Reigl dont on voit les ajouts de matière et une huile sur toile de Simon Hantaï qui, au contraire, racle en partie la couche sombre dont il a recouvert la toile pour faire apparaître les fonds diversement colorés. Autre technique pour T1988-R11 de Hans Hartung qui utilise un pulvérisateur, jouant sur la distance. La sculpture est présente avec deux réalisations en porphyre rouge de Yerassimos Sklavos, matière extrêmement dure creusée au chalumeau.
La deuxième et la troisième salle posent la question de savoir si la peinture est en danger de mort comme on le pensait en 1960. Il était difficile à cette époque de se former à la peinture et au dessin, condamnés par la critique d’art et les théoriciens. Dans ces salles se trouvent quelques peintures de Charles Lapicque dont le musée conserve environ 80 œuvres grâce à la donation Granville. Les artistes continuent malgré le contexte très difficile à représenter la peinture d’histoire, comme Lapicque avec Diane et Actéon, les académies comme Claude Garache avec Loing ou Couée, ou les autoportraits avec Yan Pei-Ming, et à revisiter les grands peintres historiques comme Piero della Francesca pour Marc Desgrandchamps (Sans titre). Bernard Piffaretti nous pose la question de savoir si une copie d’une œuvre, aussi exacte que possible, est encore une création.
La dernière salle est consacrée à cinq portraits très grands formats réalisés en 1992 par Yan Pei-Ming. Ils font partie d’une série de dix, Le Meilleur Travailleur du Crous, qui étaient jusqu’alors restés dans les réserves. Ils permettent de voir l’évolution de la technique picturale de Yan Pei-Ming si l’on se reporte à son autoportrait exposé dans la salle précédente.
Cette visite enrichissante a été très appréciée de tous les participants, séduits par l’érudition et la présentation claire et vivante de notre guide. Annie Haïk.