Étude de tête d’homme (Zacharie Astruc ?)
Tableau, vers 1861 / 1863
Auteur : Alphonse LEGROS (Dijon , 1837 – Watford , 1911).
Peinture à l’huile sur toile
Hauteur : 44,4 cm ; Largeur : 37,7 cm. Inv. 1987-6-P
Inscriptions / marques : signature en bas à gauche en bordure : « A. Legros »
Les études de têtes constituent la majeure partie de la production de Legros tant en peinture qu’à l’eau-forte, et en lithographie. La virtuosité technique avec laquelle il éblouissait Londres et la province avec ses « Time studies », à la fin des années 1870, ne faisait que produire en public le fruit d’années de réflexion et d’observation intense.
Bien qu’il ait commencé sa carrière avec le portrait de son père, en montrant le modèle en train d’écrire et entouré d’objets en rapport avec cette occupation, Legros préférait en général concentrer l’intérêt sur les possibilités d’expression de la tête seule, sans accessoires. Il ne fut jamais retenu pour prendre part au concours de la Tête d’expression à l’École des Beaux-Arts. Malgré d’apparentes ressemblances avec les études auxquelles donnait lieu cette tradition, les « têtes » de Legros en diffèrent par l’intention. Elles ne se proposent pas, en effet, de représenter une émotion spécifique, telle que « l’Effroi », la « Douleur », ou la « Mélancolie », mais cherchent à extérioriser une personnalité grâce aux particularités des traits de l’individu. En restant toujours convaincu de la valeur de cette démarche, il demeura toute sa vie un réaliste.
Au cours du XIXe siècle, on considérait la phrénologie comme capable de fournir des données matérielles et objectives pour l’étude de la personnalité. Que savait Legros de cette science complexe, nous l’ignorons. Mais son amitié pour Edmond Duranty, qui avait écrit plusieurs articles sur le sujet, en avait donné sans doute à Legros plus qu’un léger aperçu ; et cela, même si Duranty mettait plus volontiers l’accent sur la valeur des observations spécifiques que sur le principe même d’ « une science devant laquelle il faut avoir beaucoup de scepticisme ». La scène de l’homme examinant un crâne, dans « La pièce aux six sujets » laisse à penser que Legros s’était intéressé à la phrénologie dès le tout début de sa carrière ; et les deux eaux-fortes intitulées « Cours de phrénologie » représentent à coup sûr un épisode vécu par l’artiste lui-même.
Rien ne prouve que ce portrait représente bien Zacharie Astruc, malgré une ressemblance frappante avec ses effigies par Whistler, Manet, ou Fantin-Latour. Astruc vint à Paris en 1854. Il y travaillait comme journaliste lorsqu’il rencontra Legros, peut-être par l’intermédiaire de Carolus Duran, qu’il avait connu à Lille. Il publia les revues du Salon à partir de 1859, et commenta avec enthousiasme l’œuvre de Legros au cours des années 1860, mais sans guère exercer d’influence au-delà de son propre groupe de critiques et d’amis.
Le style de cette peinture incite à la situer autour de 1861-1863. En dehors du portrait d’Alençon et de la Bibliothèque municipale de Pontivy (signé et daté 1859, photographié au Musée d’Orsay), c’est la seule étude de tête datable de la période française que nous connaissions, alors que l’artiste en avait certainement exécuté d’autres. Legros voyait dans ces têtes plus qu’un simple exercice. On trouve la preuve de l’importance qu’il y attachait dans une requête pressante adressée à Fantin par le canal de Whistler au printemps de 1863. Il demandait que l’on reprenne à Manet une « tête de Gabrielle » pour la lui envoyer à Londres, où il la montrerait à sa nouvelle clientèle comme exemple de ses capacités. (Notice de Monique Geiger extraite de » Alphonse Legros 1837 – 1911 « , Dijon, 1987 – 1988)
Historique : Collection André Lagoutte
Don de la Société des Amis des Musées de Dijon en1987.
© photo François Jay