Carton pour « Le Triomphe de Pétrarque »
Dessin, 19e siècle (2ème quart)
Auteur : Louis BOULANGER (Vercelli, 1806 – Dijon, 1867). École Française
Crayon noir et de couleurs sur papier beige collé sur carton
Hauteur : 76 cm ; Largeur : 258,5 cm. Inv. 1980-11-D
Né à Vercelli, dans le Piémont, d’un père français, commissaire intendant dans l’armée napoléonienne, et d’une mère italienne, Louis Boulanger est admis à l’École des Beaux-Arts en 1821 dans l’atelier du peintre néoclassique Guillon-Lethière. C’est sous l’influence de Théodore Géricault (1791-1824), d’Eugène Delacroix (1798-1863) et d’Achille Devéria (1800-1857), qu’il s’éveille au courant moderne du romantisme. Sa rencontre en 1824 avec Victor Hugo (1802-1885), dont il devient un intime, est fondamentale pour l’inspiration qu’il tire de ses œuvres tout au long de sa carrière. Mais encore est-il redevable des atmosphères tourmentées des écrits de Dante, Cervantès, Shakespeare ou Byron auquel il emprunte son célèbre « Mazeppa » (Rouen, musée des Beaux-Arts) qu’il expose avec succès au Salon de 1827, aux côtés de la « Mort de Sardanapale » de Delacroix.
Dans la suite de ses aînés, il célèbre le pittoresque, le Moyen-Age gothique, le costume historique, les sujets fantastiques ou religieux. Après une phase de retenue classique, l’œuvre de Boulanger connaît sur la fin un nouvel élan romantique.
En 1860, l’artiste est nommé directeur de l’École impériale des Beaux-Arts et du musée des Beaux-Arts de Dijon. Ses relations avec le collectionneur parisien His de la Salle motivèrent le don par ce dernier d’un remarquable ensemble de dessins de grands maîtres entre 1863 et 1868. On lui doit, en outre, la transformation de l’aile orientale du musée sur la rue Rameau et la présentation des Primitifs italiens et des objets d’art antique de la Collection Campana envoyés par les musées impériaux. C’est Célestin Nanteuil, un autre artiste romantique et illustrateur de Victor Hugo, qui lui succéda à la direction du musée en 1867.
« Le Triomphe de Pétrarque » fut commandé à Louis Boulanger par le Marquis Astolphe de Custine pour orner le salon de son hôtel de la rue de La Rochefoucault à Paris. Exposé au Salon de 1836 (n° 217) la toile très remarquée fut, chez son propriétaire, l’objet d’une présentation à ses amis.
C’est à cette occasion que Théophile Gautier lut le poème que lui avait inspiré le tableau ; son premier titre « A Louis Boulanger, terza rima » fut ensuite remplacé par « Le Triomphe de Pétrarque ».
L’œuvre de Boulanger changea plusieurs fois de propriétaire après la mort du marquis de Custine en 1857. Le biographe de l’artiste, Aristide Marie la retrouva après l’avoir considérée comme disparue. Actuellement, nous ignorons si cette toile, qui mesurait environ huit mètres, existe encore.
Il est curieux de noter qu’elle fut proposée, en 1868, au Musée des Beaux-Arts de Dijon ; le conservateur, alors Célestin Nanteuil dut décliner l’offre, faute de crédits. « Le Triomphe de Pétrarque » fut reproduit par la gravure dans le « Magasin Pittoresque », juin 1836, p. 193 (en sens inverse) et, partiellement, par A. Marie, pl. h.-t. entre p. 60 et 61.
Le carton du « Triomphe de Pétrarque » présente donc un intérêt exceptionnel. Donné par Boulanger à son ami l’architecte Charles Robelin, il demeura dans la famille de celui-ci jusqu’à son entrée au Musée des Beaux-Arts par M. Ratbert Guillemot. En 1888, il avait été proposé au Musée du Louvre qui déclina l’offre (Archives du Louvre p. 30).
Au livret du Salon de 1836 une légende indique le thème du tableau : « Escorté du peuple romain, le Poète revient du Capitole. L’Enthousiasme, les Grâces, la Rêverie, représentées par des jeunes filles l’accompagnent dans le char ; les Muses l’entourent et l’élite de la noblesse, des poètes, des savants, des guerriers compose son cortège. » Mercier – Mélanges.
Il s’agit, en effet, d’un fait historique : Pétrarque fut publiquement couronné de lauriers au Capitole au cours d’une cérémonie organisée par le sénat de Rome le jour de Pâques 1341. L’état actuel du carton ne permet pas de distinguer tous les détails, le dessin des architectures de l’arrière-plan a beaucoup pâli, mais les personnages demeurent précis. La comparaison avec les reproductions du tableau et les commentaires des contemporains permet de constater que, dans l’ensemble, la composition est la même ; le carton présente donc un état très avancé du travail de l’artiste. On peut noter deux modifications dans le groupe central : la figure debout derrière le poète, « L’Enthousiasme » d’après la légende, « L’Inspiration » pour Théophile Gautier, est échevelée et à demi-nue ; cette représentation correspond à celle de « La Folie » désignation du même personnage par le critique anonyme du « Magasin Pittoresque » (art. cit. p. 194). Sur la toile, elle est vêtue d’une ample robe, sa chevelure est lisse et ordonnée. A l’inverse, la muse Polymnie, « un sein nu, l’œil en feu » comme la décrit Théophile Gautier, présente, sur le carton, une attitude beaucoup plus modeste.
Dans un format réduit par rapport à l’original, le carton n’en révèle pas moins les qualités de l’œuvre : clarté dans l’ordonnance d’une ample composition, sobriété du décor, élégance des attitudes. « Le Triomphe de Pétrarque » marque le début d’une orientation nouvelle dans l’art de Louis Boulanger. (Notice de Monique Geiger extraite de » Acquisitions récentes 1975-1980 « , Dijon, Musée des Beaux-Arts, 1981)
Historique : Boulanger, Louis ; Collection Charles Robelin ; Collection R. Guillemot
Don de la Société des Amis des Musées de Dijon, 1980
© photo Musée des Beaux-Arts de Dijon