Calvaire au moine chartreux
Panneau. Bourgogne, vers 1430 / 1440
Auteur : Anonyme bourguignon. École Bourguignonne
Peinture à l’huile sur bois, Hauteur : 57 cm ; Largeur : 47 cm. Inv. 1980-43-P
Dès sa première exposition, en 1904, et alors qu’il était dans la collection Martin Le Roy, ce panneau, représentant le Christ en croix entre la Vierge et saint Jean, avec au pied de la Croix un moine chartreux en prière, a embarrassé les historiens, sensibles à une relative hétérogénéité de son style. Dès 1904 a été évoquée la possibilité que le tableau, situé au milieu du XVe siècle, ait été inspiré par des modèles plus anciens.
C’est Charles Sterling qui a pu établir, en deux étapes, l’origine du panneau. Il reconnaît, en 1942, dans le Calvaire alors dans la collection Chalendon, et maintenant au musée du Louvre, le modèle du Calvaire Martin Le Roy, à la fin du XIXe siècle entre les mains d’un antiquaire dijonnais, Champy. Il émet l’hypothèse qu’ils proviennent tous deux de Champmol. En 1955, il précise les circonstances des deux commandes : le Calvaire Chalendon et le Calvaire alors dans la collection Wildenstein, et depuis acquis par le musée de Cleveland, appartiennent à la commande, de 1388, à Jean de Beaumetz de vingt-six panneaux de dévotion pour les cellules des chartreux ; le Calvaire Martin Le Roy, lui, est à mettre en relation avec la fondation par Isabelle de Portugal, en 1433, de deux nouvelles cellules de chartreux à l’occasion de la naissance jusque-là attendue de Charles le Téméraire. Quoique aucun document ne l’atteste, on peut supposer qu’une commande de deux panneaux complémentaires aurait été faite, avec référence au programme des panneaux de Jean de Beaumetz.
Cette hypothèse a l’avantage de rendre compte à la fois de la fidélité et des différences par rapport à la composition de ce dernier. Même si les saintes femmes n’entourent pas la Vierge, la composition générale est la même, et semblable est l’insistance sur le corps torturé du Christ et sur la longue coulée de son sang. Le fond or, les grands nimbes poinçonnés, les plis fluides de l’éclatant manteau azur de la Vierge sont issus de la même tradition. En revanche, la solidité de la figure de saint Jean, l’écriture beaucoup plus nerveuse qui casse le bas de la coule du chartreux et esquisse son visage ingrat et fervent, l’irruption du paysage urbain derrière les personnages attestent une mentalité étrangère au style courtois des années 1400, plus douloureuse et énergique. Comme le « Retable de saint Georges », pour lequel s’applique ce même schéma d’une référence obligée à un modèle archaïque, il reste toutefois difficile de situer le Calvaire dans une peinture bourguignonne du XVe siècle trop largement disparue pour que l’on sache en décrire l’évolution et les auteurs. (Notice de Sophie Jugie extraite du catalogue de l’exposition « L’Art à la cour de Bourgogne : Le mécénat de Philippe le Hardi et de Jean sans Peur (1364-1419) », Dijon, Cleveland, 2004-2005)
Historique : Collection Chartreuse de Champmol, Dijon ; Collection Champy ; Collection Martin Le Roy ; Collection Mme Louis du Luart
Acquis avec le concours de l’Etat et de la Société des Amis des Musées de Dijon en 1980.
© photo François Jay