L’Action, Auteur : Jean-François COLSON (Dijon, 1733 – Paris, 1803)
Peinture à l’huile sur toile 1759 (?)
Hauteur : 78,8 cm ; Largeur : 73,3 cm ; Épaisseur : 2,4 cm, Inv. 2014-10-1
Jean-François Gilles, dit Colson (Dijon, 1733 – Paris, 1803), n’est en réalité dijonnais que de naissance, et n’a jamais travaillé dans la capitale bourguignonne. Son père, né à Verdun, a en effet été un portraitiste itinérant, qui a aussi travaillé à Paris, Avignon, Grenoble, Lyon ou encore Toulouse. Suivant ses parents dans leurs déplacements, Jean-François Colson a été l’élève du peintre religieux Frère Imbert (1666-1749) à Avignon et du portraitiste Donat Nonnotte (1708-1785) à Lyon. Artiste protéiforme, tout à la fois architecte, ingénieur, professeur de perspective, il atteignit l’apogée de sa carrière en étant nommé comme « directeur et ordonnateur des bâtiments » des ducs de Bouillon dans leur résidence du château de Navarre, près d’Evreux, malheureusement détruit. Il reste aujourd’hui surtout connu pour ses nombreux portraits, représentant une clientèle variée, membres de la bourgeoisie ou de la petite noblesse, comédiens, ou encore savants comme Balthazar Sage. (Notice de Matthieu Gilles, 2010)
« Le Repos » est le chef-d’oeuvre de Colson, et l’un des tableaux les plus célèbres du musée. Il est en effet caractéristique d’un ensemble d’éléments associés au XVIIIe siècle : l’intimité, le confort, la douceur de vivre, mais aussi un érotisme discret avec le chat qui s’apprêtait à croquer le serin, avant d’avoir été dérangé par le spectateur. La métaphore de l’oiseau mort sera explicitée quelques années plus tard par Diderot, dans sa critique du Salon de 1765, à propos du célèbre tableau de Greuze « La Jeune fille qui pleure son oiseau mort » : celle-ci vient en effet de perdre sa virginité. « Le Repos » est signé et daté 1759 au dos de la toile, ce qui est inhabituel pour l’artiste qui signait plutôt dans ses tableaux-mêmes. Pour toutes ces raisons, « Le Repos » a fait partie de la plupart des grandes rétrospectives sur le XVIIIe siècle français.
Tout comme « L’Action », le tableau a été gravé par Gabriel-Nicolas Dupuis, oncle de Colson, entre 1759 et 1771, dans un même encadrement de pierre simulé. Si « Le Repos » y est simplement dédié au prince de Turenne (Godefroy-Charles-Henri de La Tour d’Auvergne, 1728-1792), « L’Action » est clairement indiquée comme faisant partie du cabinet de ce prince. Les éléments faisant penser que « L’Action » est le pendant du « Repos » sont nombreux et convaincants.
Tout d’abord, ces deux tableaux de scène de genre sont uniques dans la production de l’artiste, qui n’est, autrement, connu que pour ses portraits. Les deux oeuvres ont été gravées dans le même encadrement de pierre simulée par Dupuis, oncle du peintre. Au-delà des interprétations gravées, les deux tableaux, qui ont aujourd’hui exactement la même largeur (mais des hauteurs différentes puisque « L’Action » a été coupée en hauteur) présentent de multiples échos et oppositions qui se répondent : L’Action/Le Repos, un jeune garçon jouant/une jeune fille dormant, une scène d’extérieur/une scène d’intérieur, le chien/le chat ; tout comme certaines similitudes partagées (ainsi l’érotisme à peine voilé ou les compositions en diagonale). Pour cette raison, il paraît très probable que ces deux tableaux aient fait partie de la même collection du prince de Turenne, malgré la différence d’indication fournie par le graveur (dédié à…/tiré du cabinet de…).
Il est difficile de suivre l’historique des oeuvres à la fin du XVIIIe siècle et au début du XIXe siècle. On peut raisonnablement penser qu’elles passèrent au fils de Godefroy-Charles-Henri, Jacques-Léopold de La Tour d’Auvergne (1746-1802), qui sera le dernier duc de Bouillon, mort sans descendance. Ses biens seront séquestrés à plusieurs reprises sous la Révolution, mais pas saisis car il n’émigra pas. Les dettes du duc, déjà importantes avant la Révolution, augmentèrent en l’absence des revenus apportés par l’exploitation des très importantes forêts de son domaine. Il fut donc obligé de vendre une partie de ses collections lorsque le séquestre fut levé (décret du 1er germinal an VIII, 22 mars 1800). Ces ventes furent cependant discrètes, peut-être parce que le duc ne souhaitait pas révéler le mauvais état de sa fortune.
On peut ainsi imaginer que Le Repos et L’Action aient été vendus lors d’une de ces ventes peu documentées. Il est également possible que ces tableaux aient été rendus à Colson, s’il était créancier du duc de Bouillon, avant sa mort en 1803, ou à sa soeur mademoiselle Colson. Ceci pourrait venir éclairer la provenance du « Repos », qui apparaît dans les catalogues du musée des beaux-arts de Dijon en 1818 sans provenance ; les catalogues ultérieurs indiquent qu’il s’agit d’un « Envoi du Gouvernement avant 1814 », ce qu’aucun document d’archive n’a pour le moment confirmé, malgré les recherches effectuées à partir des années 1960 dans les archives du Louvre, des Envois de l’Etat et du musée spécial de l’Ecole française de Versailles. Une lettre écrite en 1811 par Claude Hoin, alors conservateur du musée, à Mademoiselle Colson, semble indiquer qu’elle souhaitait donner un tableau au musée et le joindre au transport du prochain envoi de l’Etat (qui aura lieu en 1812). Ceci expliquerait pourquoi le tableau apparaît dans les catalogues du musée en 1818, pourquoi les conservateurs suivants ont pensé qu’il s’agissait d’un envoi de l’Etat, et pourquoi aucune trace ne demeure dans les archives des musées nationaux malgré de nombreuses recherches. L’hypothèse d’un retour de l’oeuvre dans les premières années du XIXe siècle à Colson ou à sa soeur en tant que créancier du duc de Bouillon permettrait d’expliquer pourquoi « Le Repos » se trouvait alors en leur possession plutôt que dans la collection d’amateurs de peintures.
Si l’on compare « L’Action » à la version gravée par Dupuis, le tableau paraît avoir été coupé un peu en bas et un peu plus en haut. Ceci explique la différence de format que le tableau présente aujourd’hui avec son pendant « Le Repos ».. (d’après Matthieu Gilles, 2015)
Oeuvres en lien : CA 252 Le Repos Pendant
Achat et don de la Société des Amis des Musées de Dijon en 2014.
© Musée des Beaux-Arts de Dijon/François Jay